Tout juste rentrée d’un voyage de quatre jours à Rome, je voudrais profiter de cette occasion pour vous parler de mon inclination inconditionnelle pour la cuisine italienne, si pleine de saveurs, de richesses, qui donne le sourire et ravit l’âme dès la première bouchée.
A Venise, j’avais découvert le plaisir des apéros assis par terre dans les cours cachées face au Grand Canal, au milieu des étudiants et des familles qui arrivent en barque. Un’ombra (le petit duralex débordant de vin rouge) ou un spritz, des ciccheti à volonté, et le tour est joué : polpette (boulettes) de viandes ou de poissons, crostini imbibés d’huile d’olive et de légumes, polenta, risotto crémeux, et puis les goélands perchés, les vaporetti qui se croisent sous le Rialto…
Mais, alors que Venise invite au rêve, aux errances, aux fables, Rome inspire et élève par son effervescence, sa grandeur, sa magnificence. Capitale du monde dont elle a longtemps été le centre, cité de culture, d’histoire et d’art, elle offre une cuisine savoureuse, vivante, une cuisine des bons petits plats mijotés et fumants.
Ce sont cette simplicité et cette générosité romaines que j’ai eu la chance de dénicher dès le premier détour, dans les rues proches de la piazza Navona, chez da Simo… pane e vino, la sandwicherie – je déteste ce mot qui sonne froid – de Simona. Dès l’entrée, cela sent bon la tomate, la viande, le ragoût
dominical. Simona, énergique, souriante et volubile présente avec plaisir ses spécialités dans un français chantant : une dizaine de plats en sauce bien romains, qu’elle réchauffe et sert dans de la ciabatta. Au menu, sauce de porc haché au vin blanc et aux poivrons, ragoût de queue de porc au céleri (un régal), surprenant mélange de saucisses italiennes et de raisins blancs, incroyable purée de brocolis à l’ail et aux saucisses italiennes, artichauts marinés, veau à la crème et à la pancetta… Le tout plein de fraîcheur, fondant, rassurant, comme on voudrait pouvoir manger tous les soirs chez soi, entouré d’amis, et de la ronde charmante de ces mots chantants : salciccia, carciofi, pomodoro, vitella, uva…
En gourmet (e ?), je n’ai pas pu m’empêcher de questionner Simona qui m’a chaleureusement livré quelques uns de ses savoir-faire. « Le plus important, tu cuis lentement, à feu doux, et fais bien attention à savoir quand couvrir ou non, pour ne pas dessécher ton plat. Tu dois être patiente, savoir attendre, il faut de l’amour. Mais aussi, tu dois mettre de l’odeur, toujours. Le céleri, l’oignon, la carotte. C’est la base. Tu peux rajouter l’ail, et le poivron, j’ai une amie qui en met toujours, c’est très bon. Et puis, surtout, tu joues. » Ca me plaît bien, et puis ça me fait penser à Edda Onorato et son déjeuner de soleil, qu’il faut absolument que vous découvriez.
La seconde très belle découverte culinaire de ce voyage a été l’Osteria del Pegno, ses fettucine carfioci e speck (artichaut et speck, une charcuterie alpine au goût corsé et fumé), et surtout les divins spaghetti alla carbonara, qui me font renoncer à toute prétention quant à la maîtrise de ce plat romain par excellence. Dorénavant je peux l’avouer, avant Rome je n’avais mangé de pasta alla carbonara. Je me repends, je rejoins le #CarbonaraClub
de Floriana, et à mon tour je vous en conjure, oubliez tout ce que vous croyez. La véritable pasta alla carbonara est délicate, incomparable à tout autre plat, incroyablement crémeuse bien que sans une goutte de crème, délicatement parfumée par la pancetta ou le plus fort guanciale, onctueuse grâce au pecorino romano et au jaune d’œuf, relevée par une note poivrée. Et encore meilleure si elle est précédée par des polpette pimentées qui préparent le palais à sa douceur et accompagnée par un verre de Montepulciano d’Abruzzo rosso.
Rome, les églises dans chaque rue, la Renaissance, colonnes doriques, ioniques, corinthiennes, marbres blancs, polychromes, vestiges de temples, voûtes et coupoles antiques, fontaines baroques, courses folles d’un monument à l’autre, sauts dans le temps de place en place, Rome enfin est par essence la ville de toutes les grandeurs et toutes les folies, ses cafés sont bien mérités par le visiteur épuisé. Tant de force dans une si petite tasse ! Et tant de douceurs dans les dulce qui l’accompagnent… Cantucci alla mandorle dont les amandes craquent sous la dent, sfogliatelle tièdes au ricotta vanillées… Et le voyage se prolonge dans l’esprit de ceux qui évoquent ces parfums, associés par la magie des sens aux trésors contemplés.
Voir Rome et y revenir…